Fabrice Zombi Kavabioko a visité deux musées fédéraux en Belgique : le musée des sciences naturelles à Bruxelles et l’AfricaMuseum à Tervuren. Son objectif était clair : plaider pour le retour des crânes du peuple Suku, collectés dans la région de Bandundu durant l’occupation coloniale belge.
Cette démarche met en lumière non seulement les injustices historiques, mais aussi les défis contemporains liés à la restitution des biens culturels et humains. L’histoire des crânes du peuple Suku est édifiante et tragique. Dans les années 1940, sous le règne colonial belge, le fonctionnaire Ferdinand Van de Ginste a ordonné l’exhumation de restes humains dans la région de Suku.
Ces restes ont été transférés au musée de Tervuren sous prétexte de recherche anthropologique. Aujourd’hui, cette « collection Van de Ginste » renferme 229 restes humains, dont 185 crânes, conservés à Bruxelles. Cette situation est emblématique d’une obsession coloniale de déshumaniser et de classer les corps des Noirs.
Les conséquences de cette attitude raciste perdurent, affectant les relations entre l’Europe et l’Afrique. Malgré les efforts pour corriger ces injustices, la question du retour des restes humains demeure brûlante. Pourquoi la Belgique refuse-t-elle de restituer ces crânes en RDC ? En 2022, le parlement fédéral belge a adopté une loi sur la restitution des biens culturels, mais elle ne couvre pas les restes humains.
En revanche, la RDC a voté une loi en 2023 qui inclut explicitement ces restes. Selon la logique belge, les crânes ne peuvent donc pas être renvoyés au Congo tant qu’il n’existe pas de loi belge les autorisant. Ce raisonnement soulève une question fondamentale : peut-on vraiment considérer qu’une loi qui perpétue une injustice est légitime ?
Le cynisme de cette position est frappant. Il illustre non seulement une absence de sensibilité face à la souffrance historique du peuple Suku, mais aussi un manque d’humanité dans le traitement des restes d’ancêtres. Il est impératif de repenser notre conception des lois et de la justice. Une législation qui ne prend pas en compte les contextes historiques et les douleurs ancestrales n’est pas une loi valable.
La restitution des crânes du peuple Suku est une question de dignité, de respect et de réparation. Le retour de ces restes humains au Congo ne devrait pas être un simple acte bureaucratique, mais plutôt une reconnaissance des injustices du passé et un pas vers une réconciliation authentique. Dans un monde où les enjeux de mémoire et d’identité sont de plus en plus cruciaux, il est temps que la Belgique et d’autres nations reconnaissent que les lois doivent évoluer pour servir la justice, et non la perpétuer.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR












