La République Démocratique du Congo est marquée par des conflits politiques et des rivalités historiques qui ont souvent eu des répercussions tragiques sur son peuple. Parmi ces rivalités, celle entre le Vice-Premier Ministre Jean-Pierre Bemba Gombo et le Président Honoraire Joseph Kabila Kabange en est une des plus aigües et complexes.
Leur relation, faite de méconnaissance, d’ignorance, de sympathies initiales au moment du gouvernement 1+4 mais rapidement éclipsée par une profonde animosité et une rivalité implacable, illustre l’instabilité politique qui caractérise le pays. Pour comprendre cette rivalité, il est essentiel de revenir sur les circonstances qui ont vu émerger ces deux figures emblématiques de la politique congolaise.
Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président et leader du Mouvement de Libération du Congo (MLC), est un homme d’affaires ayant fait fortune à l’époque du Maréchal Mobutu et reconnu pour son charisme. De son côté, Joseph Kabila a pris le relais après l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, en 2001, devenant instantanément une figure centrale de la politique congolaise pendant 18 ans de présidence.
Pour autant, il est souvent perçu comme un personnage imposé par les puissances étrangères. Au départ, il semblait que les deux hommes puissent coexister pacifiquement sur la scène politique, mais les tensions n’étaient jamais loin. En 2006, après une transition politique tumultueuse, Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila se retrouvent face à face lors des élections présidentielles, marquées par une violence inouïe.
Bemba Gombo, fort de son réseau politique et militaire, devient le principal rival de Kabila Kabange. Le climat électoral s’envenime et, malgré les promesses de démocratie, les élections se muent en un affrontement tragique. La défaite de Jean-Pierre Bemba, proclamée par la CEI de l’Abbé Apollinaire Malu-Malu et considérée comme un coup dur, alimente un ressentiment déjà palpable.
Au fil des années, la rivalité entre Bemba et Kabila se transforme en une véritable animosité. Après avoir été vaincu lors des élections, Bemba critique ouvertement la gouvernance de Kabila, accusant son administration de corruption et d’autoritarisme. En retour, Kabila et ses partisans n’hésitent pas à diaboliser l’ancien chef rebelle Bemba, le présentant comme un traître et un fauteur de troubles.
Cette animosité atteint son paroxysme en 2007, lorsque le mouvement de Bemba est confronté à des accusations de violence durant le conflit de 2002 à 2003 en Centrafrique, où ses troupes auraient commis des atrocités. Joseph Kabila semblerait jouer un rôle dans ces allégations, utilisant la justice comme arme politique pour affaiblir un adversaire potentiellement menaçant.
En 2008, Bemba est arrêté à Bruxelles sur un mandat d’arrêt délivré par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, ce qui ne fait qu’amplifier le ressentiment à son encontre. Après une longue détention, JP Bemba est acquitté par la CPI en 2018. Son retour en RDC, au lieu de marquer un nouveau départ, exacerbe les tensions entre ses partisans et ceux de Joseph Kabila.
Les sympathisants de Bemba crient à l’injustice alors que les kabilistes rappellent les méfaits du passé. Le pays, déjà fragilisé par des crises économiques et des insurrections armées, voit ainsi se profiler l’ombre d’un affrontement imminent. Le 31 décembre 2016, la mise en œuvre de l’accord de la Saint-Sylvestre, qui devait permettre une passation pacifique du pouvoir, est perçue comme une manigance.
Une orchestration politique de Joseph Kabila pour prolonger son règne. Jean-Pierre Bemba en profite pour redynamiser son mouvement politique, promettant de restaurer la démocratie et de lutter contre les abus de pouvoir. Sa popularité grandissante ravive les craintes du Président Joseph Kabila Kabange peu populaire dans la capitale Kinoise, qui voit dans ce retour un danger direct pour son pouvoir.
La puissance de Bemba, combinée à la détermination de Kabila de conserver son emprise sur le pouvoir, crée une situation explosive. Les deux hommes, désormais des adversaires irréconciliables, se déchiffrent mutuellement à travers leurs discours et leurs actions politiques. Une confrontation ouverte entre leurs partisans respectifs pourrait plonger la RDC dans une nouvelle crise politique et militaire.
Une situation critique avec des ramifications potentiellement incalculables en termes de violences armées et de déplacements massifs de populations. La situation précaire est exacerbée par la fragmentation des forces politiques en RDC. Dans un pays où les conflits ethniques et régionaux sont latents, une escalade de la violence entre les partisans de Bemba et ceux de Kabila pourrait entraîner des ripostes de groupes armés.
Ce qui aggraverait ainsi une situation déjà chaotique. Malgré cette phase tumultueuse, un espoir persiste : celui d’un dialogue politique véritable. La RDC est à un carrefour de son histoire, et il appartient à ses dirigeants de transcender les rivalités personnelles pour se concentrer sur les besoins fondamentaux de leur peuple. Bemba se retrouvant actuellement au gouvernement et Kabila dans l’opposition, un remake inversé.
L’émergence d’une opposition unie, mettant de côté les ambitions personnelles pour le bien commun, pourrait freiner les ambitions destructrices de rivalités sans fins. Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila, conscients des blessures que leur animosité inflige à leur pays, doivent se montrer à la hauteur de leur héritage et des attentes de la population congolaise. Sinon, le ressentiment sera fatal.
Car dans un pays meurtri par des décennies de guerre et de corruption, le véritable affrontement serait celui des idées et des visions pour un avenir meilleur, plutôt qu’un conflit prolongé dont les conséquences seraient catastrophiques. La RDC mérite mieux, et il est de la responsabilité de ses leaders de bâtir des ponts plutôt que de creuser des fossés.
Si l’histoire a enseigné quelque chose à ces deux hommes, c’est que la vraie force réside dans l’unité et non dans la division. Unissons nos forces pour œuvrer vers la paix et la prospérité.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR













