Joseph Kabila Kabange, figure énigmatique de la politique africaine et ancien président de la République Démocratique du Congo, se redéfinit aujourd’hui sur la scène numérique en tant que panafricaniste. Cette déclaration retient l’attention, provoque des réflexions profondes et soulève certaines interrogations sur la nature et la sincérité de cet engagement idéologique.
Qu’implique vraiment le terme « panafricaniste », et comment se marie-t-il avec l’héritage de Kabila? Le panafricanisme est une philosophie politique et culturelle qui a émergé en réponse aux traumatismes du colonialisme, de l’esclavage et de la discrimination raciale à travers le monde. Son essence réside dans l’unité et la solidarité des peuples d’Afrique et de sa diaspora.
Le panafricanisme promeut l’idée que les Africains, en se rassemblant autour de valeurs communes, peuvent éradiquer les inégalités et imposer leur voix sur la scène mondiale. Historiquement, des figures emblématiques comme Kwame Nkrumah, Haile Selassie, et Marcus Garvey ont inspiré cette mouvance. Leurs visions ont constamment appelé à l’unité politique, à la coopération économique, et à la souveraineté continentale face aux ingérences étrangères.
Lorsque Joseph Kabila adopte cette étiquette, une série de questions cruciales surgit. Pendant son mandat, qui s’est étendu de 2001 à 2019, le Congo a connu des périodes de stabilité, mais aussi des soulèvements armés et des défis économiques persistants. La richesse des ressources du pays, vecteur potentiel d’unité et de développement, a été minée par la corruption et l’instabilité.
Dans cette trajectoire, où se situe le panafricanisme tel que prôné par l’ancien président Joseph Kabila Il pourrait bien percevoir le panafricanisme comme une plateforme pour une nouvelle phase de sa carrière politique. Peut-être cherche-t-il à revigorer la scène panafricaine avec une perspective forgée par les leçons tirées de ses années au pouvoir.
Cependant, pour de nombreux critiques, la crédibilité de cette position repose sur la capacité de Kabila à démontrer concrètement son engagement envers les principes panafricanistes : justice sociale, développement économique inclusif, et coopération inter-africaine. L’adoption de ce terme par Kabila invite à une évaluation critique de ce que signifie vraiment être panafricaniste aujourd’hui.
Avec la prolifération des médias sociaux, des leaders et des influenceurs de tous horizons revendiquent cette bannière, souvent sans une adhésion substantielle à ses idéaux. Pour que Joseph Kabila réussisse à imposer une authentique vision panafricaniste, il devra dépasser la simple rhétorique en agissant en faveur de la coopération régionale concrète, en contribuant à résoudre des conflits interafricains.
Et en soutenant des initiatives économiques révolutionnaires qui bénéficient réellement aux peuples africains. Il serait injuste d’omettre de mentionner qu’il a été un rebelle venu en RDC dans les bagages du Rwanda et de l’Ouganda sous l’AFDL. C’est peut-être sa version du panafricanisme que d’être l’émanation de deux pays africains envahissant et semant la mort pendant 30 ans chez leur voisin.
Il devra également affronter le scepticisme né de son passé: qu’il a souvent été considéré comme un président distant, dont les réalisations sont éclipsées par les défis économiques et sécuritaires du pays. Dans la réinvention de cette identité panafricaniste, il se doit de proposer un modèle inspirant et innovant qui répond aux attentes des jeunes générations africaines, avides de changements positifs et tangibles.
L’adoption du terme « panafricaniste » par Joseph Kabila Kabange constitue une opportunité autant qu’un défi. Elle offre à ses partisans et à ses détracteurs matière à faire revivre et à raffiner cette idéologie, l’ancrant correctement dans le contexte actuel. Pour transcender la simple étiquette, Joseph Kabila devra prouver que son engagement pour l’unité continentale et le progrès africain est véritable.
Qu’il est profond et soutenu par des actions qui redéfinissent une politique transformatrice au-delà des frontières de la rhétorique politique traditionnelle. Celui qui s’assied sur un trône volé ne trouvera jamais la paix dans son empire. Le masque de l’usurpateur finit toujours par se fissurer dans le miroir de la vérité . Le vrai panafricaniste avance au rythme du coeur du continent, pas au son de sa propre trompette.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR