Dans un contexte où la sécurité publique est mise à mal, les récentes déclarations du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) concernant la décision du Ministre de la Justice de ne pas arrêter ni transférer à la prison toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction soulèvent des questions cruciales sur l’équilibre entre la justice pénale et les droits des individus.
Le quartier de Makala a récemment été le théâtre d’événements tumultueux, marqués par une montée de l’insécurité et des actes criminels qui ont choqué l’opinion publique. En réponse à cette situation, le Ministre de la Justice a proposé une mesure controversée : empêcher l’arrestation ou le transfert à la prison des personnes soupçonnées d’infractions.
Cette décision, motivée par la volonté de désengorger les prisons et d’éviter des abus, a rapidement suscité des réactions vives. Le CSM, gardien de l’indépendance judiciaire, a dénoncé cette décision, la qualifiant de violation flagrante de la loi. Selon le CSM, il est impératif que la justice suive son cours et que toute personne soupçonnée d’infraction soit traitée conformément aux procédures judiciaires établies.
La présomption d’innocence, pilier fondamental de toute démocratie, doit être respectée, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité publique. La position du CSM soulève une question épineuse : jusqu’où peut-on aller pour garantir la protection des droits individuels sans compromettre la sécurité collective ? Il est donc essentiel de trouver un équilibre.
Un encadrement trop laxiste des procédures judiciaires pourrait mener à une impunité qui risquerait d’encourager les comportements criminels. Les victimes d’infractions, et la société dans son ensemble, ont le droit de se sentir en sécurité et protégées par un système judiciaire efficace. Ce débat met en lumière la complexité des enjeux juridiques et sociaux auxquels nos sociétés sont confrontées.
Plutôt que de simplement s’opposer à la décision du Ministre, le CSM pourrait proposer des solutions alternatives qui respectent les droits des individus tout en garantissant la sécurité publique. Par exemple, des mesures de suivi renforcé pour les suspects, des peines alternatives à la détention ou encore un système de médiation judiciaire pourraient être envisagés.
La question de la justice pénale ne peut pas se limiter à une simple opposition entre le respect des droits individuels et la sécurité publique. Elle nécessite une réflexion collective, impliquant non seulement les magistrats et les responsables politiques, mais aussi la société civile.
La situation de Makala est un appel à repenser notre approche de la justice et de la sécurité. Le CSM, en défendant la loi, a la responsabilité de contribuer à un dialogue constructif qui permettra de trouver des solutions efficaces, respectueuses des droits de chacun et adaptées aux réalités du terrain. Car au final, la justice n’est véritablement rendue que lorsque chacun se sent en sécurité dans sa société.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR