La monnaie, cet outil omniprésent dans nos sociétés modernes, a marqué une rupture fondamentale dans la perception que l’humanité a de la richesse et de la valeur. Contrairement aux biens matériels comme les chaussures ou l’huile, qui ont une utilité concrète et limitée, la monnaie offre une illusion d’accumulation sans fin.
En effet, il est difficile d’imaginer un cordonnier entassant des paires de chaussures ou un producteur d’huile accumulant des bidons à l’infini. Pourtant, la quête d’accumulation de monnaie est devenue une norme. La monnaie apparaît comme un mécanisme de simplification des échanges. Avant son invention, les sociétés pratiquaient le troc, un système limité par la nécessité d’un échange direct.
Avec la monnaie, cette contrainte disparaît. Elle devient le vecteur universel de valeur, permettant de transcender les besoins immédiats. Mais cette liberté nouvelle vient avec un coût : l’illusion de l’accumulation. Accumuler de la monnaie, c’est s’engager dans une quête sans fin. Alors qu’un cordonnier sait qu’il n’a besoin que d’un certain nombre de chaussures pour exercer son métier.
La monnaie n’a pas de limite tangible. Cette capacité d’accumulation infinie a transformé notre rapport à la valeur. Autrefois, la valeur d’usage – l’utilité d’un produit – était primordiale. Aujourd’hui, la valeur d’échange, représentée par la monnaie, a pris le pas. Ce glissement a, d’une certaine manière, « tué » la valeur d’usage, réduisant les biens à de simples chiffres sur un compte bancaire.
Cette transformation a des implications profondes. La valeur d’usage, qui se base sur la satisfaction des besoins humains, est souvent éclipsée par une valeur d’échange qui privilégie l’accumulation et le profit. Ainsi, des produits essentiels peuvent être dévalués, et des biens superflus peuvent être surévalués, simplement parce qu’ils peuvent générer plus de monnaie.
Cela soulève des questions éthiques sur notre système économique et notre façon de valoriser ce qui est vraiment important. La monnaie, en tant que premier élément dans l’histoire de l’humanité à offrir l’illusion d’une accumulation infinie, a profondément modifié notre conception de la richesse. Elle a permis une évolution des échanges, mais au prix d’une dévaluation de la valeur d’usage.
En réfléchissant à notre rapport à la monnaie, nous devons nous interroger sur l’impact de cette illusion sur notre société et sur la manière dont nous définissons la valeur dans un monde de plus en plus dominé par le chiffre. L’accumulation de richesses n’est pas un gage de bonheur intérieur car l’argent ne fait pas le bonheur bien qu’il y contribue.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR