Depuis le 27 mars 2025, Doha, la capitale du Qatar, est le théâtre de discussions sensibles réunissant plusieurs délégations internationales, dont celle du mouvement terroriste RDF/M23, conduite par Bertrand Bisimwa. Cet événement suscite des interrogations majeures sur la dynamique géostratégique en Afrique centrale et le rôle potentiel du Qatar en tant que médiateur.
Les délégués, arrivés séparément pour des raisons de discrétion, représentent une large gamme d’intérêts, des États régionaux aux organisations internationales. À première vue, la présence des représentants du RDF/M23, pourtant sanctionnés par l’Union européenne pour leurs actes terroristes et violations des droits humains, soulève des préoccupations éthiques et diplomatiques.
Cela remet également en question l’engagement des pays dans la lutte contre le terrorisme et les mouvements violents. Le RDF/M23, une création Rwandaise issue du CNDP qui, lui-même, est sorti du RCD, une tentacule de l’AFDL créée par Paul Kagame et Yoweri Kaguta Museveni, a émergé comme un acteur majeur du conflit au Nord-Kivu s’étendant depuis peu au Sud-Kivu mais aussi en ituri via l’UPDF.
Il a su capitaliser sur des sentiments ethniques entretenus par le Rwanda d’un côté mais aussi par l’Ouganda de l’autre et des frustrations locales. Le Qatar, en tant que négociateur potentiel, pourrait jouer un rôle clé pour faciliter le dialogue, même avec des entités controversées. Mais pourquoi un pays du Golfe s’efforce-t-il de s’impliquer dans des affaires aussi complexes en RDC ?
Le Qatar a récemment élargi son champ d’action diplomatique, cherchant à renforcer son influence en Afrique. Cette approche pourrait lui permettre d’accéder à des ressources naturelles et de multiplier ses partenaires au sein d’un continent riche en opportunités économiques. C’est la version officielle. En réalité, le Qatar est le principal financier du Rwanda, donc le véritable patron de Paul Kagame.
L’émir du Qatar Tamim Ben Hamad Al Thani a investi dans Rwandair, la raffinerie de Gasebo, la bourse de Kigali et autres. Son intérêt est donc de sécuriser ses investissements car la posture belliqueuse du Rwanda et ses crimes innommables en RDC mettent en mal, par ricochet, l’image internationale du Qatar. L’émir apparaît donc comme celui qui finance les visées expansionnistes du Rwanda.
La participation du RDF/M23 aux négociations pourrait être perçue comme une validation internationale de leur légitimité, vulnérabilisant l’autorité du gouvernement congolais. En outre, la logique d’engagement d’un gouvernement qui négocie avec des groupes armés soulève d’importantes questions sur les principes de souveraineté et sur la définition de l’ennemi.
Face à cela, l’Ouganda et le Rwanda resteront attentifs à l’issue des discussions. Leur implication historique dans le soutien aux groupes armés terroristes en RDC entretient une atmosphère de suspicion et de rivalité qui pourrait être exacerbée par les pourparlers de Doha. Les discussions de Doha débutées ce 27 mars 2025 représentent un moment charnière pour la diplomatie en Afrique centrale.
Le choix du Qatar de jouer un rôle proactif témoigne de son ambition d’asseoir son influence, mais soulève des dilemmes éthiques et pratiques importants. Alors que les négociations avancent, il reste à voir si elles seront en mesure d’aboutir à une paix durable ou si elles risquent plutôt de mettre à mal les efforts de stabilisation dans la région. L’intégration des terroristes Rwandais dans l’armée Congolaise doit être exclue.
L’infiltration de l’appareil étatique Congolais et le partage du pouvoir avec des criminels sanctionnés par la communauté internationale doivent constituer des lignes rouges. La délégation de la RDC ne doit pas permettre au Rwanda de renouveler son personnel infiltré. Ce n’est qu’ainsi que Doha pourrait redéfinir les rapports de force en RDC, apportant ainsi des changements qui résonneront au-delà des frontières congolaises.
Dans un contexte mondial de tensions croissantes, la gestion des conflits en Afrique centrale nécessite peut-être une coopération internationale réfléchie et responsable. La paix n’est pas seulement l’absence de guerre, mais une présence de justice en permanence. C’est évident que si la RDC d’un côté et la coalition Rwando-Ougandaise de l’autre se disputent, le troisième (le Qatar) en profite.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR













