Nomination de hauts magistrats : une lueur d’espoir ?

Ce n’est pas un secret de polichinelle, la justice congolaise présente actuellement un tableau peu reluisant : une justice à double vitesse dans laquelle les plus vulnérables ne se sentent pas protégés, un système judiciaire inféodé par le pouvoir exécutif, l’impunité, la corruption, la paupérisation de l’ensemble du personnel judiciaire avec notamment en tête les magistrats, le manque criant et la vétusté des infrastructures, la carence des magistrats à l’intérieur du pays (la plupart de magistrats restent concentrés dans la capitale), des arrestations arbitraires, des jugements iniques, le recrutement des magistrats pose problème ( l’opinion garde encore le souvenir amer des magistrats faussaires dénichés à l’époque du garde des sceaux Alexis Thambwe),…

Pour étayer nos propos, le traitement du contentieux électoral des dernières élections du 30 décembre 2018 constitue un exemple éloquent à ce sujet. Certains magistrats de la Cour constitutionnelle étaient impliqués dans des affaires de corruption touchant la justice à son plus haut sommet. Dommage pour la Haute cour censée être gardienne de la Constitution. En somme, c’est la légitimité des gouvernants qui se trouve entachée. D’ailleurs au moment où nous rédigeons cet article, les magistrats viennent de suspendre la grève. Un moratoire d’un mois est accordé au Gouvernement pour répondre aux revendications des magistrats. Ce qui est sûr et certain, les hommes en toge noire se disent cette fois-ci déterminés à aller jusqu’au bout. Et pourtant la vision de l’actuel président Félix Tshisekedi reste et demeure l’instauration d’un Etat de droit, héritage naturel de son père biologique l’opposant historique Feu Etienne Tshisekedi d’heureuse mémoire. Or il est démontré que la justice est un des piliers fondamentaux d’un Etat de droit.

Lueur d’espoir

Avec la nomination de nouveaux hauts magistrats, certains observateurs se permettent de nourrir des espoirs en ce qui concerne le renouveau au sein de la justice congolaise. C’est le cas de la conseillère principale du Chef de l’État en matière juridique  qui s’est réjoui de l’inauguration d’une nouvelle ère dans la justice. Pareil pour les organisations de la société civile qui ont également salué le départ de certains hauts magistrats accusés d’être sous la coupe de l’ancien président Joseph Kabila et de faire obstruction à la justice. C’est notamment le cas de Flory Kabange Numbi, ex-procureur général près de la Cour de cassation, qui s’en va. Même son de cloche pour la Lutte pour le Changement (LUCHA). Ce mouvement citoyen estime que ces nominations constituent un premier pas vers un changement. Par contre, d’autres analystes sont dans l’expectative à l’instar du Vice-premier ministre en charge de la Justice Maître Célestin Tunda qui attend voir la fin de l’impunité.

Un autre élément porteur d’espoir est la compétence et la probité dont jouissent les nouveaux magistrats. . Le nouveau procureur général près la Cour de cassation était jusque-là avocat général. Victor MumbaMukomo est un vieux routier. Jean-Paul Mukolo est lui nommé procureur général près la Cour constitutionnelle, une cour considérée par le groupe d’études sur le Congo comme largement acquise à Joseph Kabila.Il est réputé compétent et intègre. Il a été pendant longtemps avocat général au niveau du Parquet général de la République. De son côté, Dominique Thambwe, lui, a été nommé premier président de la Cour de cassation en remplacement de Jérôme Kitoko. On connaît également le nouveau procureur général près le Conseil d’État. Il s’appelle Octave Tela. Il vient prendre la place de Joseph Mushagalusa dont le départ était réclamé par la société civile qui l’accusait notamment de faire obstruction à certaines décisions du Conseil d’État.

Après l’arrestation de David Blattner, c’est le tour du président de la communauté libanaise du Congo Jammal Samih. Ce dernier a été incapable de justifier l’acompte d’environ 17 millions de dollars américains reçus pour la construction de 1500 logements sociaux dans cinq villes du pays. Aux yeux de certains observateurs avisés, cela constitue un signal fort contre l’impunité.

Dossiers brûlants

Premier dossier sur la table des magistrats : l’affaire des 15 millions de dollars. Elle avait été évoquée au tout début du mandat du président Félix Tshisekedi. L’Affaire concerne le surplus de l’argent ayant servi à financer l’importation de produits pétroliers. Surplus qui aurait fait l’objet d’un détournement.

Le second est celui du détournement présumé de 128 millions de dollars à la Gecamines. Et tout récemment, un autre détournement présumé de fonds, destinés cette fois, au programme des 100 jours du président de la République. A ce sujet, il y a déjà un signal fort. L’arrestation du DG de SAFRICAS (une entreprise de construction), l’homme d’affaires américain David Blattner. Une réquisition à experts est en cours : le DG de l’OVD, de l’Office des Routes et du CREC (une firme chinoise) ont été auditionnés.

À côté de ces affaires de malversations financières présumées, il y a les cas de violation des droits de l’homme. L’assassinat en 2017 des deux experts des Nations unies (Michael Sharp et Zaina Catalan) au Kasaï en fait partie. Le procès se poursuit laborieusement alors que sur le terrain, des populations ont été massacrées.

Sur la pile également : l’affaire Floribert Chebeya qui attend d’être clarifiée. En juin 2010, deux activistes de la Voix des Sans Voix pour les droits de l’homme, Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, avaient été assassinés à Kinshasa dans les installations de la police nationale. En janvier 2015, un témoin fugitif – le colonel Paul Mwilambue s’est livré à la justice sénégalaise. Il demande, depuis, à être extradé pour permettre d’éclaircir certaines zones d’ombre.

JM Mawete

 

 

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