L’est de la RDC traverse une situation difficile avec l’éruption du volcan Nyirangongo à Goma dans la province du Nord-Kivu depuis la nuit du samedi 22 au dimanche 23 mai dernier. Une catastrophe naturelle qui a causé la mort d’une vingtaine de personnes et d’énormes dégâts matériels. À ce sujet, votre rédaction s’est entretenue avec André Zana Ndontoni, Professeur au Département de Physique de la Faculté des Sciences de l’Université de Kinshasa et Directeur général du Centre de Recherche géologique, structure du ministère de la Recherche Scientifique et Innovation technologique.
L’Objectif: Scientifiquement, que comprendre par éruption volcanique ?
André Zana: En volcanologie ou en géophysique, on appelle éruption volcanique l’extrusion vers la surface du magma à la terre. Le magma est ce qu’on appelle la lave, mais en réalité c’est la roche, c’est la fusion qui est dans la profondeur de la terre. Cette ouverture ne se produit pas n’importe où mais plutôt dans les régions privilégiées où se concentrent le tremblement de terre. Dans le cas du continent africain, dans la partie Est de l’Afrique, comprenant la partie Est de la RDC, le Kenya, la Tanzanie jusqu’à l’Éthiopie. C’est la région qu’on appelle les fossés tectoniques. Ce sont des régions où la croute terrestre subit encore aujourd’hui des déformations récentes. C’est dans ces régions où se concentre l’activité sismique et à laquelle est associée l’éruption volcanique.
Quelle est la périodicité d’apparition de l’éruption volcanique de Nyirangongo ?
Dans le volcan comme dans notre planète, le phénomène éruption volcanique n’a pas de périodicité. On ne peut faire une moyenne pour dire qu’il peut se produire après telle ou telle autre période. Le phénomène lui-même n’a pas de périodicité. Chaque volcan se comporte différemment. Le volcan se comporte comme un être humain ayant ses caractéristiques, sa personnalité.
Je prends un exemple, dans notre pays, nous avons deux types des volcans à savoir le volcan Nyirangongo qui est en vedette et son voisin Nyamulagira. Si nous prenons les exemples passés, de 1950 à 2000, le volcan Nyirangongo est entré en éruption une trentaine de fois. Tous les deux ans en moyenne, il y a éruption du volcan Nyamulagira. Pour le volcan Nyirangongo, c’est plus compliqué parce qu’il dispose d’un lac de laves permanent qui a été observé pour la première fois en 1927. Le sommet de Nyirangongo est caractérisé par un trou dont le diamètre mesure environ 1400 mètres et lorsque la profondeur est vidée, elle fait 850 mètres. Ce grand trou qu’on trouve au sommet du Nyirangongo c’est ce qu’on appelle le cratère. Ce trou était rempli de laves depuis 1927. C’est ce qu’on appelle le lac de laves. Il est bouillonnant.
Que dites-vous des études menées au terme desquelles l’éruption volcanique de Nyirangongo interviendrait après 30 ans?
Pour faire des supputations sur l’activité d’un volcan, il faut l’avoir observer suffisamment. En tant qu’initiateur principal de l’Observatoire volcanologique de Goma (OVG), j’ai surmonté le volcan Nyirangongo de 1974 à 1994. J’ai assisté à l’activité de lac de laves et j’ai observé l’activité de 1977 et je suis réparti à Goma après l’éruption de 2002.
Pour faire une prévision disant 30 ans après, on le fait à partir de quel élément?
Il y a une activité interne qui est en réalité l’éruption volcanique, puis de temps en temps, des activités externes. Pendant des siècles passés, Nyirangongo n’a eu de coulées qu’en 1977, 2002 et maintenant en 2021. Les 30 ans on le prend à partir d’où ? Dans le cas de Nyirangongo, nous avons une difficulté. D’un côté, il y a l’activité de lac de lave permanent et de l’autre le bassin. Ce bassin présente un trou d’où sortent les laves. Les coulées ici ne sont pas des véritables éruptions. C’est une fissure qui se fait dans le flanc du volcan. Le flanc qui est affaibli, la lave accumulant, le cratère central sort. C’est pourquoi dans l’éruption volcanique de Nyirangongo, on n’a jamais une éruption qui fait plus de 5 ou 6 heures.
Quel doit être le comportement humain après cette catastrophe naturelle ?
L’Association internationale de Vulcanologie avait lancé un dicton pour les populations qui vivent près des volcans, c’est-à-dire comment vivre avec le volcan. Il faut donc vivre avec le volcan. Que dites-vous lorsque certaines personnes disent qu’il faut délocaliser la ville Goma? Avant de délocaliser Goma, il faut d’abord délocaliser le Japon qui dispose de plus de 150 volcans actifs, l’Indonésie avec plus de 300 volcans actifs, les États-Unis, la Chine etc.
Quel devrait être notre attitude vis-à-vis de Goma ?
C’est de déterminer les zones qui sont les plus exposées aux coulées de Nyirangongo. Pour ce faire, il ne faut pas concentrer des édifices importants dans ces zones. Il faut construire moins cher en évitant des édifices qui coûtent par exemple 200.000 dollars mais plutôt des habitations qui oscillent autour de 20.000 dollars.
Propos recueillis par Nico Kassanda
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