La République Démocratique du Congo possède des paysages à couper le souffle, une biodiversité inégalée et un patrimoine culturel riche. Pourtant, ses villes et territoires souffrent souvent d’un désordre spatial, de vulnérabilités aux catastrophes naturelles et d’un manque criant d’harmonie entre développement et préservation.
Et si la solution résidait dans une approche radicalement nouvelle : transformer le Ministère de l’Aménagement du Territoire en « Ministère du Beau » ? Le « Beau » n’est pas un luxe, mais une stratégie. Il attire les investisseurs, renforce la fierté nationale, et surtout, intègre la résilience aux catastrophes naturelles dans des designs innovants.
Repenser la RDC à travers trois piliers : esthétique fonctionnelle, attractivité économique, et adaptation climatique. L’esthétique deviendrait un levier de résilience urbaine. Il serait possible d’avoir des villes “zéro inondation” par le design. Les inondations meurtrières révèlent l’urgence de repenser l’urbanisme. Plutôt que des digues hideuses, imaginons des parcs inondables artistiques.
Des espaces verts conçus pour absorber les crues, comme les waterpleinen néerlandais, mais enrichis de motifs culturels congolais (inspirés des tissus Kuba ou des fresques traditionnelles). Rues-paysages, revêtements drainants colorés et motifs urbains guidant les flux d’eau, combinant utilité et beauté, de la réhabilitation des zones à risque en “quartiers-icônes”.
Au lieu de reloger les sinistrés dans des baraquements précaires, créons des éco-quartiers modèles. Maisons sur pilotis inspirées des architectures pygmées, adaptées aux zones inondables, avec toits végétalisés et panneaux solaires intégrés. Murs anti-érosion artistiques : fresques murales en matériaux locaux (terre stabilisée, fibres végétales) pour lutter contre les glissements de terrain tout en embellissant.
Il y a lieu de créer le beau comme potentiel économique pour attirer les investisseurs et tourisme. Créons des labels “RDC Beautiful” et une certification des villes : Kinshasa « Ville Verte », Goma « Perle du Volcan », Lubumbashi « Cité des Arts Miniers ». Chaque territoire développe une identité visuelle forte, soutenue par un plan d’aménagement durable. Ce qui pourrait conduire aux corridors touristiques.
Il s’agit de l’aménagement de routes panoramiques (ex : Route des Cascades au Kongo Central) avec aires de repos design et signalétique patrimoniale. Il faut à la RDC des pôles créatifs et technologiques. Des hubs d’innovation « Beauté & Résilience » : Incubateurs dédiés aux start-ups mêlant design écologique et solutions anti-catastrophes (ex : mobilier urbain solaire, éclairages low-energy inspirés des lucioles).
Festivals internationaux du Design Urbain : Événements annuels pour exposer les projets congolais et attirer des experts mondiaux. Il y a moyen d’avoir une gouvernance du beau grâce à une participation citoyenne. Pourquoi ne pas avoir une plateforme “Mon territoire, mon chef-d’œuvre”. Les populations pourraient proposer des designs pour leurs places publiques ou écoles, votés en ligne.
Une cartographie collaborative : Appli mobile pour signaler les zones à risques et suggérer des aménagements, avec récompenses pour les meilleures idées. Une Géo-RDC 2.0 : une data et art au service du Territoire. Des Cartes 3D artistiques : Visualisation des risques climatiques via des infographies immersives (ex : couleurs vibrantes pour alerter sur les zones inondables).
Utilisation de drones pour dessiner des plantations anti-érosion en motifs géométriques visibles depuis le ciel. Des exemples concrets pour passer du rêve à la réalité. Un projet phare : « Kin la Belle ». Promenade des Palmiers : Une avenue littorale le long du fleuve Congo, avec bancs-sculptures, éclairages solaires en forme de lucioles, et murs anti-crues ornés de mosaïques racontant l’histoire du pays.
Marchés flottants design : Inspirés de Ganvié (Bénin), mais avec structures modulables pour résister aux crues. Le projet « Virunga Vert » avec des éco-lodges résilients : Constructions en bambou et matériaux recyclés, intégrés aux paysages volcaniques, avec circuits de randonnée « zéro impact ». Il y a lieu de faire du beau un manifeste politique. Il est temps que l’on sorte de la logique comptable.
L’on peut très bien transformer l’aménagement du territoire en « Ministère du Beau ». Ce n’est pas une utopie, mais une nécessité stratégique. Cela suppose une loi-cadre sur l’esthétique résiliente, intégrée à la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire. Un fonds dédié (FONAT-Beau) pour financer les projets citoyens et les innovations et des partenariats globaux (UNESCO, ONU-Habitat).
Ceci pour positionner la RDC comme laboratoire du design urbain africain. La RDC de demain ne sera pas seulement fonctionnelle – elle doit être sublime. Il suffirait au Ministre Guy Loando d’ouvrir les portes et les fenêtres de son Ministère au génie populaire. Et comme le disait Oscar Wilde : « La beauté est une forme de génie – elle n’a pas besoin d’explications. » À nous d’en faire une arme de développement massif.
TEDDY MFITU
Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR













